7

David mit longtemps à se calmer, après le départ de Gault. L’homme avait-il seulement plaisanté ? Il présentait un côté sadique indiscutable. Il s’était régalé de voir David se tortiller au bout de son hameçon. Lorsqu’il avait parlé du meurtre, cependant, il avait paru d’une sincérité… on aurait cru qu’il revivait un souvenir et non qu’il en inventait un. David ne savait que penser, et le pire était que la règle du secret professionnel liant un avocat à son client l’empêchait de parler à quiconque de la conversation qu’il avait eue avec Gault.

L’interphone retentit et David accueillit cette diversion avec gratitude. C’était Monica qui l’appelait depuis le bureau du procureur général.

« Peux-tu venir ici, Dave ? lui demanda-t-elle.

— Bien sûr. Qu’est-ce qui se passe ?

— Je voudrais te parler. C’est à propos de Tony Seals.

— Que lui arrive-t-il ?

— Je te le dirai quand tu seras là, dit-elle avec une note d’amertume dans la voix. Et amène ton caddie avec toi. Aujourd’hui, on brade la baraque. »

*

Un corridor étroit desservait les espèces de placards anonymes qui passaient pour des bureaux dans le quartier général du procureur. Du fait de son ancienneté, Monica avait droit à un placard d’angle un peu plus grand que les autres. Seule tentative pour humaniser un peu son espace de travail, une lithographie encadrée de Chagall qui mettait une tache de couleur à côté de son diplôme en noir et blanc.

Elle était penchée sur un dossier à l’arrivée de David et elle lui fit signe de s’asseoir. Il y avait deux chaises devant le bureau ; il enleva la pile de classeurs qui était posée sur l’une, la plaça sur le sol, puis jeta un coup d’œil sur le journal déployé au-dessus des dossiers entassés sur l’autre siège. Monica releva la tête.

« J’ai besoin du témoignage de Seals et je suis prête à lui donner l’immunité en échange », dit-elle sans autre préambule.

David resta une seconde sans réagir. Il étudia le visage de son ex-femme. Lorsqu’il eut la certitude qu’elle était sérieuse, il demanda :

« Et pourquoi en as-tu besoin ?

— Parce qu’il est le seul, en dehors de Zachariah Small, qui puisse témoigner que c’est Sticks qui a appuyé sur la détente, dans la montagne. Sans lui, Sticks s’en sortira.

« Nous avions un informateur qui les a entendus parler, tous les trois, après le coup. Sticks et Zack se vantaient de l’avoir descendue, et il est tout à fait clair que c’est Sticks qui a tiré depuis la voiture.

— Mais alors, pourquoi ne pas se servir de cet informateur ?

— Il a disparu. Il a fichu le camp peu de temps après avoir déposé. C’est un vagabond qui habitait dans la maison Gomes au moment où les garçons ont été arrêtés. Il a dû prendre peur quand il a compris qu’on voulait le faire témoigner. J’ai bien demandé à la police de le rechercher, mais même si on le trouve, je ne suis pas sûre qu’il nous servira à grand-chose. Il a déjà un casier chargé et c’est un ivrogne. »

David se sentait tout excité. Il s’inclina légèrement en avant.

« Bénéficierons-nous de l’immunité complète ?

— Oui. » Il se leva.

« Je vais parler à mon client. »

*

Le gardien introduisit Tony Seals dans la salle des visites de la prison du comté. Des chaises pliantes branlantes étaient plus ou moins alignées le long du mur dans la pièce tout en longueur. David, assis devant la table à dessus de Formica, à l’autre bout, regardait arriver son client.

« Sonnez-moi quand vous aurez fini », lui dit le gardien, indiquant le bouton noir d’un boîtier métallique fixé au mur près de la porte à barreaux – puis il claqua le battant métallique et on entendit la clef tourner dans la serrure.

Les jours de visite, cette salle était en général pleine de femmes ou de petites amies anxieuses, parlant à voix basse à des hommes avec lesquels elles ne feraient pas l’amour d’ici un bon bout de temps. Mais en ce jour de semaine et à cette heure relativement matinale, David et Tony Seals étaient seuls.

TS sentait encore plus mauvais que la fois précédente. Il dégageait cette odeur particulière et ignoble de tous les hommes incarcérés dans cette prison. Un de ces relents qui donnent l’impression de coller à la peau, d’être impossible à éliminer un jour.

David chercha le regard de l’adolescent monté en graine qui se dirigeait vers lui d’un pas traînant et d’une démarche de marionnette, à croire qu’il avait de la paille à la place des os. Ses yeux éteints étaient aussi dépourvus de vie que son éternel demi-sourire.

« Bonjour, m’sieur Nash. »

Il parlait d’une voix douce qui se chargeait rarement d’une émotion quelconque.

« Assieds-toi, TS. »

L’adolescent obéit. Il obéissait toujours. David se demanda s’il avait jamais pris une décision dans sa vie. Monica devait avoir raison. Les auteurs des coups de feu étaient bien plus probablement Sticks et Zack. Il avait affaire, avec TS, à un garçon dépourvu de tout libre arbitre. À une créature à qui il suffisait de dire d’aller du point A au point B pour qu’elle se mît en mouvement.

« Comment ça va ?

— Ça va, ça va.

— J’ai quelques questions à te poser, TS, et je veux que tu me répondes la vérité. C’est important, et il ne faut donc pas me raconter d’histoires.

— Bien, sûr, m’sieur Nash.

— Qui a tiré sur Jessie quand elle était dans le trou ? La première balle.

— C’était Zack.

— Toi, tu n’as pas tiré sur elle ? »

Le garçon eut une petite bouffée de peur que David sentit.

« Non, m’sieur Nash, j’ vous jure. J’ai pas tiré sur elle.

— Et ensuite, dans la montagne ? Qui lui a tiré dessus ? »

L’adolescent leva la main droite et commença à tripoter un bouton qu’il avait à la joue. Il se passa la langue sur la lèvre inférieure, puis referma vivement la bouche.

« Eh bien ?

— Heu… eh bien, c’était Sticks. Zack a tiré la première fois, juste au moment où on l’a laissée. Ensuite on est partis, et Sticks a dit qu’il fallait être sûr. Alors on a fait demi-tour, et Sticks a demandé à Zack s’il pouvait tirer à son tour, et Zack lui a passé le pétard. »

David regardait TS avec attention. Evoquer le moindre souvenir paraissait l’épuiser. Il se demanda comment on pouvait traverser l’existence avec un cerveau fonctionnant à ce point au ralenti.

« As-tu tiré avec cette arme à un moment ou à un autre, TS ? »

L’ado arrêta de tripoter son bouton et parut effrayé.

« Non, sincèrement. Ils ont pas dit que je l’avais fait, hein ? Ils l’ont pas dit ?

— Je veux le savoir.

— Non, non. Zack avait dit qu’il me laisserait essayer, mais j’étais trop pété. J’ai dit non, et Sticks a tiré une deuxième fois.

— Que veux-tu dire, que tu étais pété ?

— J’étais fatigué », répondit-il, s’affaissant sur sa chaise comme s’il avait oublié la peur qu’il avait ressentie seulement quelques secondes auparavant.

Il se remit à malmener son bouton.

« Juste entre nous, TS, si tu n’avais pas été fatigué, est-ce que tu lui aurais tiré dessus ? »

L’ado réfléchit et David se demanda pour quelle raison il lui avait posé cette question. Qu’est-ce que cela changeait ? Il avait gagné. TS serait libre après avoir témoigné au procès de ses anciens amis, et David aurait mérité ses honoraires. Pourquoi avait-il besoin de connaître la vérité sur cet imbécile qu’on allait bientôt relâcher dans la nature ?

« Ouais, je crois », dit-il.

Le bouton éclata et du pus lui coula entre les doigts. David se sentit glacé, seul. La pièce vide lui parut soudain oppressante et il n’eut plus qu’une envie, ficher le camp de là.

« Madame le substitut nous a proposé un accord, TS. Elle estime qu’elle a besoin de ton témoignage pour pouvoir faire condamner Sticks et Zack. Si tu acceptes de déposer contre eux, elle t’accordera une immunité entière. Sais-tu ce que cela veut dire ? »

TS secoua négativement la tête. Ses doigts venaient de s’attaquer à un autre bouton.

« Cela veut dire que tu seras libre. Qu’on renonce à te poursuivre pour avoir participé à la tentative d’assassinat sur la personne de Jessie. »

Les doigts s’agitaient toujours, le regard restait vide.

« Je peux rentrer chez moi ?

— Quand tu auras témoigné.

— Devant les juges ? »

David acquiesça.

« Hé, j’sais pas, moi. »

Tony Seals essayait de comprendre. David se laissa aller contre le dossier de sa chaise et lui donna le temps de réfléchir. Lui-même se sentait flotter entre deux eaux ; il aurait aimé respirer de l’air frais. La tête lui tournait. Un peu d’eau lui aurait fait du bien.

« Je pense que ça ira », finit par dire l’adolescent.

Aucune excitation, pas de manifestation de joie. L’avocat se demanda si Seals se sentait seulement concerné. Pour lui, le monde devait être une source permanente de tourments où tout était toujours trop compliqué. Il était fait pour la prison, au fond ; un endroit où la multiplicité des règles et des obligations le libérait de la tâche ardue d’avoir à prendre des décisions.

« Il faudra que tu ailles à la barre, devant le tribunal, et que tu racontes exactement ce qui s’est passé, après avoir subi un examen au détecteur de mensonge pour que le procureur soit certain que tu dis bien la vérité. En seras-tu capable ?

— S’il faut », répondit le garçon. Il arrêta de se martyriser la figure et réfléchit une seconde. « Je pourrais vraiment rentrer chez moi ?

— Oui, TS. »

L’adolescent sourit, mais brièvement. Puis il regarda David.

« Vous savez, les types, ici, disent que j’ai de la chance de vous avoir comme avocat. Ils disent que vous allez vous décarcasser pour moi. »

David se leva. Il faisait très chaud dans la petite pièce et il éprouvait un besoin de plus en plus pressant de respirer de l’air frais. Il regarda le crétin encore assis à la table, et l’imagina de nouveau dans la rue, de nouveau livré à lui-même comme il l’avait été depuis six mois ou un an. De nouveau drogué. Et faisant… quoi ? Appuierait-il sur la détente la prochaine fois ? Y aurait-il une prochaine fois ? Tout lui laissait penser que oui ; David voyait fort bien lui-même ce qu’était Tony Seals. Ses mains se mirent à le démanger comme si elles avaient été très sales.

« Je pensais que tu serais retourné chez toi », dit Gregory Banks.

David était à son bureau, assis dans le noir. Son veston était plié sur le dossier d’une chaise et il avait dénoué sa cravate. Il avait fait pivoter son fauteuil de manière à être face à la rivière où un remorqueur descendait le courant, luciole s’ouvrant un chemin sur un ruban de velours noir aux sinuosités erratiques.

« Je réfléchissais, répondit David, d’un ton déprimé.

— As-tu envie de parler, ou préfères-tu que je te laisse ? »

David fit pivoter le siège dans l’autre sens pour regarder son ami.

« Est-ce que tu ne t’es jamais demandé ce que nous fabriquions exactement, Greg ? »

Banks s’assit.

« On dirait que c’est sérieux, répondit-il, ne plaisantant qu’à moitié.

— Je viens de conclure un compromis avec le ministère public. Tony Seals va obtenir l’immunité complète.

— Sensationnel ! » s’exclama Gregory, encore plus intrigué, du coup, par l’humeur de son cadet – il était proche des parents de Tony Seals et savait ce que cela signifierait pour eux.

« Tu crois vraiment ? Et qu’est-ce que je ferai dans six mois lorsque ce morveux aura tué quelqu’un et que ses parents voudront m’engager pour le défendre parce que j’ai fait du si bon boulot aujourd’hui ?

— C’est le procureur général qui t’a fait cette proposition, Dave. Tu ne fais que représenter ton client.

— Ja, mein Herr, che faisais gue suifre les ortres ! » répondit David – son ton était amer.

« Et si tu me racontais un peu comment tu en es arrivé là ?

— Je n’en sais rien, Greg. »

Banks attendit patiemment que David continuât.

« Je crois que j’ai regardé d’un peu plus près de quelle façon je gagnais ma vie et que ce que j’ai vu ne m’a pas plu. Tu as d’un côté des gens, partout dans les rues, qui commettent des crimes. De l’autre, tu as les flics qui les arrêtent et le ministère public qui les inculpe. Et moi, je prends ma petite pelle et je rebalance toutes ces ordures dans la rue. La métaphore n’est pas si mauvaise, tu sais. On devrait nous appeler des techniciens de surface.

— Je trouve que tu en rajoutes un peu, non ? Prends le cas de ce gosse que tu as réussi à faire sortir. L’étudiant qui s’était fait pincer avec de la marijuana. Il était indiscutablement coupable d’un délit, non ? Devait-il être condamné ? Si tu n’avais pas gagné, il ne serait pas en train de faire médecine. Et tu as gagné en utilisant les mêmes arguments juridiques que ceux dont tu t’es servi pour sortir le dealer d’héroïne de taule, l’an dernier. Tu ne peux pas avoir deux systèmes de justice.

— Peut-être pas, Greg. Comme toujours, tes arguments sont parfaitement logiques. C’est d’ailleurs pour cela que tu es un excellent avocat. Sauf qu’aujourd’hui, j’ai accepté un accord qui va faire qu’un jeune homme particulièrement tordu, qui a obligé une jeune fille à creuser sa propre tombe, puis l’a laissée dedans mourante, va sortir de prison blanc comme neige.

« Vois-tu, quand j’ai commencé, je me voyais comme le chevalier en armure blanche qui vole au secours de la veuve et de l’orphelin et défend tous ceux qui sont injustement accusés. Mais combien d’innocents ai-je représentés, Greg ? Au bout d’un moment, on se rend compte qu’il n’y a pas un seul innocent, rien que des coupables qui ont les moyens de se payer un avocat particulièrement futé. Au début, on rationalise ce qu’on fait, mais on finit par continuer pour l’argent.

— Écoute, Dave, je sais de quoi tu parles. Moi aussi, je suis passé par là. Tous ceux qui pratiquent le droit criminel et ont un minimum de conscience doivent un jour ou l’autre aborder ce conflit entre le baratin idéaliste qu’on te sert à la fac de droit et ce qu’est le monde, en réalité ; cependant, tu brosses un tableau qui n’est pas juste non plus.

« Tu es un bon avocat, qui fait un bon et honnête boulot. Des innocents qui se font arrêter, il y en a. Ou bien des gens, comme cet étudiant, qui sont certes coupables, mais ne méritent pas la prison pour autant. Si tu veux les aider, il faut aussi que tu aides des types comme Tony Seals. C’est le système qui est important. C’est la seule chose qui empêche ce pays d’être comme l’Allemagne nazie. Penses-y un peu.

— C’est ce que je fais, Greg. Je sais bien en quoi tu crois, et je respecte tes convictions. Mon problème, c’est que je ne sais plus en quoi je crois, moi. Je sais en quoi je croyais, et je commence à me dire que je l’ai soldé lorsque j’ai vu tout le fric que je pouvais me faire. »

Gregory parut vouloir répondre, mais il changea d’avis. Il se souvenait des moments d’angoisse par lesquels il était passé lorsqu’il s’était posé les mêmes questions. Il n’avait pas été obligé d’y trouver une réponse, ayant arrêté de prendre des affaires criminelles, sauf lorsqu’elles l’intéressaient, parce qu’il travaillait de plus en plus pour les syndicats. Greg avait fait fortune en obtenant pour ses clients des dédommagements importants dans des accidents du travail et en négociant, au nom des syndicats, des conventions de travail particulièrement avantageuses. Il n’avait eu aucun problème à laisser tomber le droit criminel.

David n’était pas comme lui ; aucun autre domaine du droit ne l’intéressait. Il avait bien essayé de changer, mais pour toujours revenir, en fin de compte, au droit criminel. Et pourquoi pas ? Il y gagnait bien sa vie, et il adorait ça. Ce n’était que depuis peu qu’il commençait à douter de ce qu’il valait, lui, à cause de cette pratique.

« Veux-tu qu’on aille prendre un verre quelque part ? » demanda Gregory.

Le plus grand calme régnait dans le cabinet ; seuls quelques associés, restés pour travailler tranquillement sur un problème que leur avait confié un des partenaires, rompaient de temps en temps la quiétude nocturne. David se leva et enfila son veston.

« Non, je crois que je vais rentrer à la maison.

— Je peux demander à Helen de mettre un couvert de plus, si tu veux.

— Non, merci, mais je préfère être seul.

— D’accord. Promets-moi simplement de ne pas te laisser submerger par ce truc.

— J’essaierai », dit David, en faisant un effort pour sourire.

Après le départ de son cadet, Gregory retourna dans son bureau. Il consulta sa montre. Il était tard. Il restait fichtrement trop tard au bureau, depuis quelque temps. Fallait arrêter ça. Il soupira. Ce refrain, il se le chantait depuis qu’il avait débuté, c’est-à-dire depuis plus de vingt ans. Vingt ans, voilà qui commençait à compter, non ?

Il s’assit et commença à relire le mémorandum qu’il avait rédigé. Pauvre David. La cinquantaine n’avait pas que des inconvénients. Grandir était un processus infernal, qui n’arrêtait jamais vraiment. On pensait qu’on en était quitte à vingt ans. C’est alors qu’on s’apercevait que les crises ne faisaient que commencer.

N’empêche que David était un bon garçon. Une tête solide et bien faite. Ce dont il avait besoin, en ce moment, c’était une affaire en laquelle croire. Il avait eu trop de cas difficiles, ces derniers temps. Il lui fallait redorer son blason à ses propres yeux. Une affaire intéressante, il allait forcément en avoir une bientôt – selon la loi des probabilités.

Le Dernier Homme Innocent
titlepage.xhtml
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_000.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_001.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_002.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_003.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_004.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_005.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_006.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_007.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_008.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_009.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_010.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_011.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_012.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_013.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_014.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_015.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_016.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_017.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_018.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_019.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_020.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_021.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_022.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_023.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_024.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_025.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_026.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_027.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_028.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_029.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_030.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_031.htm
Margolin M Philip - Le dernier homme innocent_split_032.htm